Je fais chaque jour l’expérience étonnante qu’il n’y a pas de savoir véritable sans liberté d’avoir raison contre la vérité. La Terre a beau être scientifiquement ronde, de nombreux marcheurs ont encore les pieds plats !
Dans un Propos de 1907 intitulé Les phonographes, Alain fait un portrait des étudiants qui ne se trompent jamais, main levée et doigt tendu. Le texte commence ainsi : « Les gens, presque toujours, sont savants comme ils sont polis. » Suit la description des pensées justes d’un jeune homme obéissant et docile : un bon phonographe pour lequel le savoir est une règle du beau langage. Il ne dit que ce qui se dit.
« Toujours il chante l’air qu’on lui demande, et il le chante comme il faut ; c’est un recueil de bonnes réponses. Aussi, à toutes les expositions, notre phonographe obtient les plus hautes récompenses ; et, si seulement personne n’a chanté faux devant son pavillon, le voilà admis à l’École polytechnique, qui est un magasin de phonographes réglés et estampillés par l’État.
Cependant, il y a par le monde des phonographes rebelles, qui reproduisent mal, et ajoutent toujours à ce qu’ils chantent quelque chose d’eux-mêmes, des grincements, des sifflements, des bruits non classés qui se produisent avec peine, et mettent au supplice les oreilles bien élevées. »
(Alain, Propos, Gallimard, Pléiade, t.1, 1978, p. 16-17)
La clausule du propos est magistrale. « Je hais les jeunes gens qui ne disent pas de sottises. » J’aimerais y apporter une nuance : ils méritent eux aussi notre écoute bienveillante.
À l’école, disait Oury, ce que les gens appellent savoir, c’est souvent une série de petites recettes auxquelles s’ajoutent les tics des professeurs. Je crois qu’il est temps aujourd’hui de reléguer les phonographes, bon et mauvais, au magasin des accessoires et de nous recentrer sur la singularité des personnes.
Revenir aux balbutiements.
Bravo !
Longue vie et créativité à ton site !
Excellent sujet que celui d’apprendre sans évaluer …..
Laetitia