La démocratie créatrice – La tâche qui nous attend

 

Extrait d’une conférence préparée en 1939 par John Dewey à l’occasion d’un congrès organisé en l’honneur de ses 80 ans.

Traduction de Sylvie Chaput – The Philosopher of the Common Man – Essays in Honor of John Dewey

 

John Dewey, Creative Democracy – The Task before us

(…)

Nous avons agi comme si la démocratie était quelque chose qui avait lieu principalement à Washington et à Albany – ou dans la capitale de quelque autre État – sous l’impulsion donnée par les hommes et les femmes qui se rendent aux urnes, une fois l’an ou à peu près. Ou, pour parler en termes moins extrêmes, nous avons eu l’habitude de considérer la démocratie comme une sorte de mécanisme qui fonctionne tant et aussi longtemps que les citoyens s’acquittent assez fidèlement de leurs devoirs politiques.

Depuis quelques années, on entend dire de plus en plus souvent que cette façon de faire ne suffit pas et que la démocratie est une manière de vivre. Ce nouvel énoncé est plus juste et va droit à l’essentiel, mais je me demande si l’extériorité de la vieille idée n’y subsiste pas à l’état de traces. De toute façon, pour cesser de penser la démocratie comme quelque chose d’extérieur, il nous faut absolument comprendre, en théorie et en pratique, qu’elle est pour chacun une manière personnelle de vivre, qu’elle signifie avoir et manifester constamment certaines attitudes qui forment le caractère individuel et qui déterminent le désir et les fins dans toutes les relations de l’existence. Au lieu de penser que nos dispositions et habitudes sont adaptées à certaines institutions, nous devons apprendre à concevoir ces institutions comme des expressions, des projections, des prolongements d’attitudes individuelles généralement dominantes.

Concevoir la démocratie comme un mode de vie personnel, individuel, ne constitue rien de foncièrement nouveau. Pourtant, quand on la met en pratique, cette conception donne une nouvelle signification concrète aux vieilles idées. Elle signifie que seule la création d’attitudes personnelles chez les individus permet d’affronter avec succès les puissants ennemis actuels de la démocratie. Elle signifie que nous devons surmonter notre tendance à penser que des moyens extérieurs – militaires ou civils – peuvent défendre la démocratie sans l’apport d’attitudes si ancrées chez les individus qu’elles en viennent à faire partie intégrante de leur personnalité.

La démocratie est un mode de vie régi par une foi agissante dans les possibilités de la nature humaine. La croyance en l’Homme du commun est un article familier du credo démocratique. Cette croyance est dépourvue de fondement et de signification si elle n’est pas foi dans le potentiel de la nature humaine telle que cette nature se manifeste en tout être humain, sans égard à sa race, à sa couleur, à son sexe, à sa naissance, à sa famille, à sa richesse matérielle ou culturelle. Cette foi peut être inscrite dans des lois, mais elle reste lettre morte si elle ne s’exprime pas dans les attitudes que les êtres humains ont les uns envers les autres dans tous les aspects et les rapports de la vie quotidienne. (…) Elle est la conviction que chacun est capable de mener sa propre vie sans avoir à subir de contraintes ni à recevoir de commandements de quiconque, du moment que sont mises en place les conditions nécessaires.

(…)

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La tâche qui nous attend