JE PENSE À KARINA, Anna.

Sa mort – « à seulement 79 ans », écrivait une source que je ne retrouve pas, consultée en flux sur le net. Son mari attristé lui donnait « encore plein de belles années devant elle » (Le Figaro, 18/12/2020).

L’affection que nous portons aux gens échappe au temps. C’est peut-être ce que dit notre rapport à la mort de proches âgés. Je me rappelle avoir été surpris par des questionnements divers. Est-ce encore jeune, 79 ? À quel âge aimerais-je mourir ? Aimerais-je mourir ?!

Je pense à Karina en consultant le décompte des morts liées au coronavirus. Les titres surtout, leur manière de dire.  « La barre des 4000 est dépassée », titrait Ouest-France, il y a deux jours (20/03/20). « L’Italie dépasse la barre des 2000 », annonçait Le Figaro, quatre jours plus tôt (16/03/2020). « Deuxième pays le plus touché en proportion de sa population, l’Espagne est derrière avec plus de 21 morts par million d’habitants », poursuit Ouest-France.

Est-ce une compétition sportive d’un nouveau genre ? Comme dans W ou le souvenir d’enfance, de Georges Perec ? Que s’agit-il de prouver ?  Comment faut-il entendre million derrière 21 ?

S’agit-il d’informer avec force d’un danger imminent en l’absence d’une information fiable, mesurée, scientifique, afin de convaincre les populations ? Les gens ? De prévenir après avoir méthodiquement détruit les systèmes de santé et de redistribution des richesses dans le monde ?

C’est possible. Personne n’est maître de l’avenir. La confusion n’exclut pas les bonnes intentions. L’inverse n’est pas moins vrai.

J’ai pensé à Anna Karina, qui ouvre la page programme de cet espace de ressources scolaires, dans une belle scène de Pierrot le fou. Puis, j’ai cherché la moyenne d’âge des gens qui meurent en Italie, en passe de devenir le baromètre mortuaire de l’Europe par temps d’épidémie.

La barre des 80 est presque atteinte : 78,5 exactement, sur un empan de 70 à 89 ans (Ouest-France, 20/03/20). L’article aborde aussi la question des pathologies liées à la vieillesse et à la vie, que je vous laisse découvrir, si ce n’est déjà fait.

Le scoop est le suivant : Nous mourons de maladie et de vieillesse, enlevés à l’affection des nôtres, plus tôt que nous ne l’avions prévu.

Nous apprenons aujourd’hui, entre autres choses, une vérité devenue étrangère autant qu’indélicate : plus les jours passent et les années, moins nous passons facilement les barres successives des décennies : la mort nous arrête net dans notre élan de sportif éternel alors que nous nous préparions à battre des records de longévité.

« Où que notre vie finisse, elle y est toute », Montaigne, Essais, I, 20 (1592).

Nous n’aurons pas de rab.

Anna, 79