La sélection là-bas

UNE SCÈNE DU FILM La voie royale (2023), du réalisateur suisse Frédéric Mermoud, propose un bref échange entre deux camarades d’une prépa scientifique d’un lycée sélectif imaginaire d’une grande ville de province. Sophie, fille de paysans, lycéenne passionnée par les maths, ignore tout du fonctionnement des grandes écoles. Diane, majore de promo, est au contraire rompue par ses origines familiales aux rouages de la domination sociale. La chute de cet échange, rien moins que neutre chez un cinéaste suisse, m’a arraché un rire inattendu et libérateur – rire mauvais, je le concède aussi. À la vingtième minute, Sophie lance une question pratique :
– Tu sais ce que c’est, les banques de concours dont parlait Merlot [un prof] ?
– Ouais. En gros, c’est les écoles d’ingénieurs regroupés par niveau. Tu passes plusieurs concours à la fois. La banque 1, c’est l’excellence, avec trois écoles : Polytechnique, Normale Sup Paris et Lyon. La banque 2, c’est les écoles moins prestigieuses, mais ça reste le top. Et puis après, et ainsi de suite, tu termines avec des écoles pourries au Mans. Mais ça, t’évites. Voilà.
Je ne sais pas ce qui a conduit le réalisateur d’un film mouvant et subtil à vouloir coiffer du bonnet d’âne de la distinction scolaire la ville du Mans, ni même si la campagne de communication 2024 de l’Université de cette même ville, dont chacun pourra apprécier la nature ou la pertinence, est une réponse à ce pointage explicite. Je compte écrire à Frédéric Mermoud pour en connaître les raisons souterraines. J’attends avec impatience sa réponse.
Dans l’immédiat, avec et sans excellence, je maintiens qu’il est toujours préférable de former des étudiant.es au lieu de les sélectionner. Cette démarche, loin d’être une évidence sereine parmi les enseignant.es que je côtoie, représenterait a minima un premier pas vers l’excellence socialement utile d’une École supposée publique.
Bonne rentrée 2025.
(La voie royale est disponible intégralement sur ARTÉ jusqu’au 18 septembre 2025)