COMME LE BON SENS, la bienveillance est devenue la chose du monde la mieux partagée aujourd’hui. Chacun s’en croit si bien pourvu qu’il la recommande généreusement aux autres. C’est à qui en sera le nouveau prescripteur, la nouvelle prescriptrice.
La bienveillance s’est répandue en quelques jours en discours unanimes : sur le courage de chacun, l’engagement de tous, la mobilisation générale.
Pas un jour ne passe sans que j’en reçoive des nouvelles attendrissantes. Nos dissensions se sont évanouies. Nos querelles ne sont plus qu’un songe. Nos dettes peuvent attendre.
Nous sommes devenus une grande famille.
© JCL (Le Mans, avril 2014)
Toutes les organisations, toutes les institutions et les grandes entreprises la découvrent en même temps et la pratiquent sans attendre par des envois de mails qui se répandent comme un virus dans l’infini des espaces numériques. Le monde s’est mis au diapason de la chose dite. La dire, c’est la vivre. Nous sommes tous Solidaires, nous sommes tous Charlie, tous Paris, tous Bienveillants. Toutes et tous, naturellement (« Dans ton coude ! On te l’a déjà dit »).
J’aime la bienveillance. Comme le mauvais esprit, c’est une vertu nécessaire. Ferdinand Lop, qui pratiquait l’une et l’autre, avait décrété en son temps « l’extinction du paupérisme à partir de 10 heures ». Je suis pour, je l’approuve. C’est une question de santé publique. Et de principe !
La bienveillance est accrochée dans nos discours comme l’extincteur au mur d’un bâtiment public. On la trouvera bientôt dans les distributeurs de chips. Je m’en réjouis…
Et prenez soin de vous !