CARL ROGERS
À quoi bon la science sans la liberté ? La liberté est la vraie science.
Éprouvant de plus en plus souvent mes limites personnelles dans des classes agitées ou dressées par l’institution, je me suis progressivement formé, à partir des années 2000, à développer ma capacité relationnelle. C’est à cette époque que je suis passé d’un enseignement disciplinaire à une attention plus grande portée aux relations entre les personnes dans et hors la classe, les relations dans un établissement influant aussi sur les enseignements. C’est aussi à cette époque que j’ai bifurqué de l’enseignement des lettres en lycée vers l’enseignement de la communication à l’université. J’ai enseigné onze ans dans différents lycées technologiques et depuis 2003 dans deux universités.
Après avoir enseigné 8 ans à l’université d’Angers, j’enseigne aujourd’hui, depuis 2011, à l’IUT de l’université du Mans (département de GEA).
Depuis 2015, je ne fais plus cours. Je ne corrige plus de copies. J’avance avec les étudiants par projets personnalisés et lis leurs travaux avec eux, en petits groupes. L’évaluation se fait en plusieurs temps. Une fois le travail jugé abouti, une note est décidée en commun. L’enseignement dans le département s’est progressivement et en partie orienté vers la conduite de projets transversaux, encadrés selon les années par une équipe de 6 à 12 enseignants aux personnalités et aux statuts différents (MCF, agrégés, vacataires). L’évaluation inclut les étudiants.
Ça marche. On s’amuse beaucoup. On travaille d’autant. À certaines heures, les couloirs du département sont parcourus par une agitation coopérative qui fait plaisir à voir et se donne à entendre pour ce qu’elle est : le plaisir d’apprendre.
Ça marche. Ça a marché un temps, trois-quatre ans. Cette dynamique n’a rien d’acquis ni de définitif. La logique du contrôle, la peur, les aspirations individuelles, légitimes et moins légitimes, ont progressivement recomposé le paysage du cours dans les couloirs autrefois joyeux et mobiles. La crise politique de 2020-21 a amplifié l’éloignement entre les personnes et la facticité des cours à horaires fixes, dispensés à distance. La présence existentielle des gens n’étant plus requise, les enseignements se sont faits sans apprentissages véritables, sans relation humaine, pour alimenter l’esprit de sélection par les notes, les classements et les fonctions, selon la vieille méthode éducative française en cela secondée par les machines et les directives dites de la continuité pédagogique.
Reste que la découverte en 2015 des écrits de Carl Rogers et de la relation d’aide centrée sur les étudiant.e.s a pleinement confirmé mon désir d’enseigner sans faire cours. Le plaisir d’apprendre est constitutif de la relation à soi, aux autres et au savoir. C’est aujourd’hui, pour moi, la connaissance véritablement utile. Elle ouvre à toutes les autres.
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