INTRODUCTION

Voici quelques remarques personnelles et deux cours classiques de deux collègues (approche cognitive et prescriptive) + site en ligne, page 3.

1. La communication non verbale est souvent plus déterminante pour révéler une émotion dans un échange que le contenu même (Albert Mehrabian). Elle influence la perception que les gens ont de la personne qui parle. Il est cependant illusoire (et scientifiquement incertain) de croire pouvoir décrypter avec certitude les gestes de nos interlocuteurs. C’est même, à mon avis, le signe d’un manque de générosité qui d’emblée plonge la relation dans une impasse : il ne s’agit plus d’écouter, mais d’assigner son interlocuteur à résidence en l’enfermant dans des gestes qui n’ont aucun sens en soi, mais qui relèvent d’abord d’une relation. Se gratter le nez est-il le signe d’un mensonge ou d’une démangeaison ? Comment savoir…

2. Aucun signe ou signal émis, pour peu qu’il respecte les codes et les usages du savoir-vivre, n’est en soi problématique. Aucun n’est préférable à un autre, telle personne supportant très bien ce qui indispose telle autre. Il est impossible de décrypter LE sens d’un geste sans connaître son interlocuteur. Et le connaitre, n’est-ce pas entrer en relation avec lui pour tenter de comprendre ce qu’il vous dit ?

3. La préparation d’un entretien, source d’inquiétude et parfois de stress pour de nombreux étudiants, relève moins selon moi du conditionnement (faire ou ne pas faire tel geste) que de la prise de conscience des messages involontaires que l’on envoie à notre interlocuteur, messages mobiles et aléatoires, tributaires d’une relation particulière à un moment donné et non d’une nature figée de notre personne. Il est de toute façon difficile d’échapper à soi-même, sauf à risquer un comportement automatique, peu naturel – conditionné en somme.

La simulation d’un entretien, filmé si nécessaire, en présence de trois ou quatre personnes, permet de se rendre compte des gestes et des postures qui ponctuent nos paroles ; et de les apprivoiser en se familiarisant avec nos gestes et notre image. Il est ensuite possible d’y être attentif si elles nous semblent impropres ou incompatibles avec l’image qu’on a ou que l’on souhaite donner de soi.

4. La communication non-verbale a suscité de nombreuses études à partir des années 1950-70 en prenant pour objet  les mimiques faciales, la gestuelle, la distance et l’apparence, vestimentaire notamment. Sous l’impulsion de Paul Ekman (études, après Charles Darwin, des émotions et des micro-expressions faciales), elle est devenue la source d’articles en tout genre sur le moyen de décrypter un mensonge ou une manipulation. Diffusée entre 2018 et 2015, la série télévisée The Mentalist a vulgarisé les travaux d’Ekamn et développé à travers le monde des vocations d’interprètes plus ou moins sauvages de nos gestes et de nos postures (la gestuelle, le rythme et les mimiques du commentateur du récent discours du Président de la République pourraient être la source de développements interprétatifs non moins sauvages).

Mes connaissances limitées des travaux d’Ekman ne me permettent pas d’en dire grand chose, sans toutefois rester muet. C’est pour moi une question de choix et de valeur. Cette passion pour le décryptage systématique des signes conduirait à établir une codification du comportement humain en le réduisant à un ensemble de gestes perçus comme anodins ou menaçants, acceptables ou non, amis ou ennemis, au risque de renforcer ainsi l’esprit de contrôle et de méfiance qui anime notre société, adepte obstinée de la vigilance permanente dans sa relation aux autres et à l’autre.

En un mot : À quoi faisons-nous servir le décryptage des signes ? Quelle est notre intention ? Enfermer l’autre ou mieux le comprendre ?

REMARQUE PERSONNELLE

La vigilance qui déclenche si rapidement à travers le pays des plans d’intervention jaune, orange ou rouge, semble indifférente à des réalités silencieuses, tout aussi dramatiques : 10 000 personnes se suicident chaque année en France ; 49 000 personnes meurent des suites de l’abus d’alcool ; 100 000 élèves sortent d’un établissement scolaire sans diplôme ; 1 étudiant.e sur 3 abandonne les études dès la L1 ; 6 millions de personnes sont sans emploi en France en 2018.