Dans la mesure où le symptôme est un signe, il n’échappe pas lui non plus à la tentation classificatoire, par ailleurs légitime. Dans le sillage de la médecine, le domaine des relations humaines est ainsi décomposé en « troubles comportementaux », psychiatriques ou non, qui font l’objet d’une classification de plus en plus précise, rassemblée à l’Initiative de l’Association Psychiatrique américaine dans le DSM-5, dernier manuel en date (2015). Nos comportements et nos difficultés, passagères ou non, problématiques ou non, deviennent des pathologies signalées, en augmentation constante, susceptibles de médicalisation ou de traitement, voire d’enfermement. L’homosexualité était ainsi considérée comme une pathologie psychiatrique jusqu’en 1973 (DSM-3) aux USA et jusqu’en 1987 pour la France (sa traduction). Les sciences médicales ne sont pas toujours en avance sur leur époque ; elles en  reflètent parfois les préjugés.

D’une manière plus générale, cet intérêt pour le décryptage des attitudes sociales ou anti-sociales rappelle que la communication entre personnes relève d’au moins deux niveaux : le niveau social et langagier, codifié et ritualisé, d’une part ; le niveau psychologique et émotionnel, physique et incontrôlable, d’autre part.

5. La communication non-verbale involontaire, au même titre qu’un lapsus, me semble intéressante quand elle signale un décalage entre la parole et le signe non-verbal, à la condition expresse de ne pas prendre les gens au geste comme on les prendrait au mot.

– Comment vas-tu ?
– Ça va (dit avec tristesse).

Il est alors possible d’en tenir compte dans la conversation pour en faciliter le déroulement, sans vouloir pour autant réduire son interlocuteur à ses mots ou à ses gestes ni vouloir le contraindre à dévoiler ce qu’il ne souhaite pas dire. Consciemment ou non, l’observateur cherche à prendre le pouvoir sur l’autre, qui alors se sens piégé. Le premier est en observation comme d’autres sont en embuscade. Il me semble que nos vies méritent autant de vigilance que de générosité.

6. Plusieurs études américaines, dont l’une émanent de La Society for Personnal and Social Psychology (SPSP, à Austin, Texas), spécialisée dans le domaine des impressions spontanées, ont montré que « Les premières impressions permettent de caractériser une personne à partir de traits marquants qui influencent la construction, dans notre esprit, d’une personnalité entière. Par exemple, si une personne vous sourit dans la rue, vous allez la trouver sympathique et vous allez supposer qu’elle est gentille, généreuse. Les premières impressions mènent à une construction subjective de la personnalité », déclare Gustave Nicolas-Fischer, psychologue et professeur à l’université de Montréal et de Genève au Figaro (édition du 21 février 2014).

Dès les premières secondes, nous nous faisons une idée très précise, selon nos représentations et nos préjugés, de la personne en face de nous, de sa personnalité supposée, de ses qualités, de son milieu social et même de son orientation sexuelle. Comme l’affirme une étude de la SPSP, « Les faits mêmes ne changeront pas nos premières impressions. » Dit autrement : nos préjugés sont tenaces et s’accommodent mal de la réalité. La lecture de l’étude montre néanmoins que les faits en question reposent sur une connaissance partielle et indirecte de la personne ; une relation à l’autre, faite de rencontres et de conversations, changera progressivement nos impressions initiales.

La communication non verbale codifiée a aussi différentes fonctions :

Une fonction de communication. Mouvements de la tête, signe de la main, sourire de sympathie ou lever le pouce expriment de manière codifiée un message ou un sentiment.

Une fonction de régulation. Lever le doigt pour prendre la parole, poser la main sur une épaule en signe d’apaisement, sourire en signe d’écoute… visent à structurer les échanges.

Une fonction symbolique. S’incliner, s’agenouiller dans une église, etc. prennent sens dans le cadre d’une situation ritualisée.